JOIES ET SOLITUDE DU TOURISTE EN EGYPTE

Difficile d’être un vrai voyageur quand on a peu de temps, qu’on ne connaît pas la langue du coin et qu’on est étiqueté étranger dès qu’on parle en anglais.

Je suis donc allé, sans a priori, pour six jours, voir un peu à quoi ressemblait l’Egypte de l’après-révolution et voir une des merveilles du monde par la même occasion. Après être passé par Rome une journée, j’ai pu ainsi vivre quelques jours dans cet autre grand pays illustre de l’époque antique sans le moindre guide à lire ni organisation spécifique, restant fidèle à ma méthode de découverte de nouveaux lieux. Avec le recul, je regrette de n’avoir pas fait exception à la règle.

Il faut VRAIMENT être bien organisé si vous voyagez en Egypte, et tout particulièrement en ce moment.

LE CHAOS DE L’APRES REVOLUTION

Vous aurez la sensation que le touriste se fait très rare en ce moment au Caire malgré l’excellent 25 degrés affiché au thermomètre. J’ai eu le vaste dortoir pour moi seul trois nuits sur cinq. J’ai fait quelques rares connaissances à l’hostel, sympathiques mais fort rares évidemment. C’est quelque chose auquel j’étais peu habitué tellement les auberges de jeunesse sont réputées (plus ou moins avec raison) pour leur remue-ménage. Au moins, à 6 euros la chambre pour moi tout seul avec petit-déjeuner, je ne pouvais pas dire que j’avais fait une si mauvaise affaire.

Le Caire est une ville bruyante et polluée. Il faut se bagarrer pour se faufiler entre les voitures lorsque l’on est piéton, personne n’ayant la noble galanterie de s’arrêter aux plus qu’inutiles passages piétons. Les vendeurs de rues se sont multiplié depuis la révolution et j’ai eu cinq ou six fois l’occasion de voir de mémorables engueulades de rue dont seules les populations arabes ont le secret, comme ce chauffeur qui délaisse sa voiture en plein milieu d’un feu tricolore pour aller dire quelques amabilités respectables à son compatriote automobiliste de derrière, un trop peu proche de son pare-choc à son goût.

Honnêtement, je pense aussi que ça doit être pénible d’être une jeune fille occidentale voyageant seule en Egypte. J’ai souvent pensé qu’on exagérait les risques à voyager seule pour une fille mais ici, je recommanderais quand même fortement pour celles qui ne sont pas en groupe de porter un voile pour éviter les regards très pesants car la société reste très conservatrice. Grosso modo pour se faire une idée : je dirais avoir vu 80% de voiles classiques, 10% de niqabs et 10% de têtes dévêtues. Le mariage est quelque chose de très important pour les jeunes Egyptiens, on me demandait très souvent si j’étais marié. Et comme la virginité avant le mariage est encore très souvent vue comme une vertu, j’ai cru mieux comprendre leur empressement à se marier. J’en reparlerai mais ce n’est pas nécessairement le modernisme qui a triomphé lors de la fameuse révolution.

Evidemment, il sera extrêmement difficile de trouver un bar servant de l’alcool mais on trouve un nombre incroyable de narguilés dans les rues du Caire.

J’ai rencontré une Stella en Egypte (photographiée pour l’occasion)

L’ART DE LA NEGOCIATION

Les propositions sont très souvent intéressées. Pas grand chose ne se fait de manière gratuite quand vous êtes étiqueté étranger. Et les commerçants égyptiens sont très solidaires entre eux : hôteliers, taxis, vendeurs, guides se versent probablement des commissions pour indiquer un tel ou tel.

Je crois qu’il vaut mieux se renseigner autant que possible sur les prix pratiqués pour se fixer une bonne base de négociation. Je ne suis pas un grand fan de la négociation à tout va mais je n’aime pas non plus payer le double ou le triple de ce que je devrais payer et je suis assez allergique au « special price just for you » après deux minutes de connaissance. J’ai bien conscience de la délicatesse de la situation pour les Egyptiens en ce moment. Aussi, je n’hésite pas à être généreux autant que possible avec les locaux en pourboire mais j’ai moins de scrupule à négocier avec les professionnels des usines à touristes qui sont rompus à ce business.

Une astuce que m’a soufflé mon collègue de chambre américain  consiste à aller directement voir le taxi local qui ne paraît spécialement chercher le touriste et qui n’est pas trop bon en anglais. La phase de négociation sera remplacée par une phase de mime Marceau mais au moins, on augmente fortement les chances d’obtenir un prix plus local.

Je vous donne quelques prix (la plupart obtenu après un peu de négociation). C’est possible qu’on puisse avoir de meilleurs prix, n’ayant moi-même pas vraiment pris le temps de chercher le juste prix. Je les donne pour vous donner une idée – Un euro = 8 livres égyptiennes environ :

– Visa à l’aéroport 15 euros (ça ne sert à rien d’aller dans un consulat avant, ça coûtera même plus cher)

– Taxi aéroport-centre 80 £

– Une balade en cheval de deux heures dans le désert avec les Pyramides environ 150 £ + 60 £ pour l’accès aux sites.

– Un taxi qui vous emmène aux Pyramides depuis le centre et vous attendra 100 £

– Kebab 8 £

J’ai trouvé le Sphinx beaucoup plus petit que ce que je l’imaginais. Je pensais qu’il était de taille comparable aux pyramides dans mon imaginaire, il n’en est rien même si ça reste sympa à voir. C’est aussi plutôt agréable de voir ces majestueux monuments avec aussi peu d’étrangers.

ALLER PLUS AU SUD

Je ne conseillerais pas de rester trop longtemps au Caire (deux jours c’est bien pour faire les pyramides et voir un peu à quoi ressemble la ville). En plus des pyramides, vous pouvez visiter le Musée Egyptien dans le centre (30 £).

Il y a un train de nuit (de 30 à 62 $) qui relie le Caire au Sud où vous pourrez vous rendre à Assouan, visiter Louxor et le temple d‘Abou Simbel. J’avais très mal calculé mon temps restant et courir pour faire le Sud m’aurait coûté fort cher et je n’en aurais pas pu vraiment en profiter en faisant tout en courant. Il faut compter environ quatre jours pour en profiter sereinement. J’ai finalement renoncé et j’ai donc passé deux jours de plus dans le choc culturel du Caire. La prochaine fois, j’essaierai d’apprendre à regarder une carte avec aussi peu de temps. 🙂

J’en parlerai un peu plus dans un autre article plus en détail, parcourir les rues du Caire, c’est aussi se confronter à un choc culturel. Et c’était peut-être au fonds de moi ce que j’étais venu vraiment rechercher…

 

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15 Commentaires

  1. Commentaire par Virginie de Vie Productive

    Virginie de Vie Productive Répondre at 22:26

    Bonjour Pierre,

    C’est triste de constater le sens dans lequel la société égyptienne a évolué…

    J’y suis allée il y a une dizaine d’années, et la société était beaucoup moins conservatrice alors. La majorité des femmes ne portaient pas le voile, faisaient des études et vivaient en toute liberté.

    A l’époque, je n’avais jamais eu besoin de mettre un voile et, hormis la fois où je me suis avancée vraiment trop loin dans le souk du Caire bien au-delà de la zone consacrée aux touristes, je ne m’y étais jamais sentie en danger, ni même regardée de travers.

    Hélas, j’ai l’impression que les choses ont bien changé en quelques années. C’est dommage, c’est un pays vraiment magnifique !

    • Commentaire par Pierre

      Pierre Répondre at 01:09

      Bonjour Virginie.
      Je me posais la question justement de savoir si c’était comme ça depuis toujours.
      C’est vraiment dommage, il y a du potentiel dans ce pays.
      On dirait que l’appauvrissement du pays va de pair avec retour important du religieux.
      Le voile n’est pas obligatoire mais il y a le risque de cumuler les clichés du touriste et de la femme occidentale « facile ».

      • Commentaire par Gege Lacépède

        Gege Lacépède Répondre at 20:10

        Salut à toi
        Concernant le voile, la situation a beaucoup évolué ces dernières années.
        Il y a une vidéo qui circule montrant Nasser lors d’une conférence de presse et parlant de ses rencontres avec les frères musulmans ( avant de les faire enfermer)
        Un de leurs dirigeants était venu voir Nasser et une des premières choses qu’il lui a demandé a été de faire voiler toutes les femmes d’Egypte .
        Nasser lui a répondu: » mais toi ta fille qui fait des études, elle n’est pas voilée, t’es pas capable de faire voiler ta propre fille et tu voudrais que je fasse voiler toutes les femmes d’Egypte! »
        Toute la salle était morte de rire.
        A l’époque l’idée de faire voiler toutes les femmes était parfaitement incongrue.
        C’était en 1953…

        • Commentaire par Egyptos

          Egyptos Répondre at 23:06

          Il y a 5 ans (date de mon dernier voyage en Egypte), les pourcentages étaient inversés, nous avions été étonné du peu d’égyptiennes portant le voile au Caire. Dans les zones plus reculés, le voile était de mise (dans les oasis comme Siwah par exemple) mais le pays n’était pas tel que tu le décris aujourd’hui.
          En se laissant porter dans les rues du Caire, nous avions fait de magnifique rencontre avec des égyptiens avec qui nous avions eu des conversations agréables et très intéressantes.
          J’en suis à croire que la révolution a fait reculer le pays plutôt que de le faire avancer ! J’espère de tout mon coeur qu’il reprendra rapidement du plomb dans l’aile.

          Sinon, le Caire on peut y rester facilement une semaine et trouver à s’y occuper. Le Caire soit on tombe amoureux dès la sortie de l’avion soit on n’aime pas, c’est un peu comme Bangkok… Il faut apprendre à l’apprivoiser et connaitre les égyptiens, un peuple plein de gentillesse.

          • Commentaire par Pierre

            Pierre at 17:53

            Je l’espère aussi. J’imagine que la révolution a changé pas de choses dernièrement.
            Après je commente sur une impression passagère de touriste, je ne peux humblement prétendre à un regard en profondeur vu le temps passé.
            J’ai rencontré des personnes très aimables une fois les rapports avec l’argent dépassés.

  2. Commentaire par Haydée

    Haydée Répondre at 12:14

    Salut Pierre, je viens de lire ton article, c’est très entraînant ! Je ne connais pas du tout l’Egypte et je ne m’y intéresse pas plus que ça, et pourtant j’ai lu ton article (quasiment) en entier. Je note pour le Caire, pas plus de 2 jours … Et je note aussi qu’il faut porter le voile même pour une Européenne, je dois dire que ce dernier aspect ne me donne pas spécialement envie d’y aller. Forcément voyager-voiler, c’est bof! Mais ton récit nous partage et donne finalement envie d’y jetter un oeil !
    Haydée

    • Commentaire par Pierre

      Pierre Répondre at 19:09

      Si tu y vas en groupe, je dirais pas de problème.
      Le voile n’est pas une obligation. Mais comme c’est très traditionaliste, une jeune femme sans voile se fait tout de suite remarquer et pas mal sifflé.
      C’est pour ça que je crois que c’est plus facile d’avoir un voile pour être un peu plus anonyme.
      C’est un pays en pleine ébullition en ce moment.

      • Commentaire par Nico

        Nico Répondre at 23:34

        Disons que en ce moment c’est un peu compliqué avec le boulversement que subi le pays depuis la révolution. Après un tour du monde, l’Egypte reste dans nos pays coup de coeur pour sa richesse culture et l’accueil des égyptiens dans leur pays.

        Merci pour ce petit reportage au coeur du pays de l’après révolution.

  3. Commentaire par NowMadNow

    NowMadNow Répondre at 09:15

    C’est intéressant de lire tes impressions plus subjectives derrière ce compte-rendu d’un voyage express en Egypte.

    Le fait d’y être dans « le chaos de l’après-révolution » doit rendre les choses bien complexes…

    Pour ma part, je ne crois pas que j’irai en Egypte avant quelques années, je suis beaucoup plus attirée par le Liban, la Jordanie ou la Syrie. J’aimerais bien rester longtemps dans cette région, prendre des cours d’arabe, vivre au sein d’une famille…

    Le tourisme étant depuis des années la colonne vertébrale de l’économie égyptienne, les rapports ne peuvent qu’être faussés je crois.

    NowMadNow

    • Commentaire par Pierre

      Pierre Répondre at 17:55

      Je crois que tu n’as tout à fait tort. Vu que le tourisme s’est effondré, il y a un peu un sentiment d’exaspération.
      De beaux projets tu as là Aline, comme toujours ça n’arrête pas 🙂

  4. Commentaire par Leslie@Voyage Perou

    Je suis vraiment nulle pour négocier les prix, en fait…ça m’épuise! Je sais qu’il faut le faire et je me force mais disons que c’est pas un talent naturel 😉
    Et justement on m’a dit qu’en Égypte c’est particulièrement un art, ça serait tout un défi pour moi.

    • Commentaire par Pierre

      Pierre Répondre at 17:57

      Pas évident parfois quand on n’a pas l’habitude c’est clair!

  5. Commentaire par Victor

    Victor Répondre at 09:01

    Je vais au Caire plusieurs fois par an pour pour raisons pros. J’y suis déjà allé avec une collègue type « Petra » dans Taxi (grande blonde de l’Est!) et nous avons jamais eu aucun problème, nous avions même pris le métro sans aucun souci… C’est vrai c’est un peu plus le bazar sur les routes depuis la révolution mais la générosité du peuple Égyptien n’a pas changé ! Pour moi ça reste une des villes les plus proches qui est la plus dépaysante.

    • Commentaire par Pierre

      Pierre Répondre at 17:59

      Merci de cette opinion Victor, c’est toujours bon d’avoir plusieurs avis.
      C’est clair que c’est une ville dépaysante en tout cas.

  6. Commentaire par Julien

    Julien Répondre at 16:22

    Ne pas louper le musée du caire si l’on aime les momies, bien qu’un peu glauque, une section du musée permet de voir de véritables momies parfaitement conservées.. Quant aux pyramides, le plus dur, c’est le pizza hut en face !

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